Apollinaria Souslova, fille d'un paysan affranchi devenu industriel, est une des figures féminines les plus marquantes du XIXe siècle russe. Amante et l'«éternelle amie» de Dostoïevski, puis femme du philosophe Rozanov, elle fascina plusieurs générations. Elle fut une ardente adepte du mouvement nihiliste, proche de Herzen par ses idées ; pourtant, aucune cause ne put l'arracher à sa solitude ni lui ôter son indépendance, même si sa préoccupation principale était de ne pas vivre pour rien, de grandir spirituellement et d'enrichir les autres. On sent dans cette jeune femme, oscillant entre l'exaltation et le désespoir, l'alliance de la fierté, de la perversité, de la fragilité et des forces destructrices qui fascina Dostoïevski. Apollinaria devint l'un des personnages leitmotive de son œuvre, particulièrement sous les traits de la Pauline du Joueur. Écrivain, elle mit sa plume au service de ses idées. Son journal, où la violence des passions n'a d'égale que la sincérité avec laquelle elle retrace son itinéraire, est aussi un témoignage sur la vie intellectuelle des Russes à Paris, dans les années 1860.