En Sibérie orientale, près de l'immense fleuve Lena qui joint le nord de la Mongolie à l'océan Arctique, Elleï, premier unificateur des clans saxa, fut dans sa jeunesse un artisan d'obscure naissance. Cependant, son rôle religieux est rappelé jusqu'à nos jours, car il instaura le rituel de l'ysyah, la fête des solstices. Afin de donner à connaître différentes dimensions qui structurent l'univers intérieur du peuple yakoute-saxa, les récits concernant Elleï sont ici accompagnés de deux épopées. Dans la première, Niourgoun le Yakoute, guerrier céleste, les acteurs sont manuvrés par des dieux paresseux et lointains. Ce n'est en fait qu'un jeu d'équilibre entre les forces célestes et souterraines pour ramener la paix sur une terre fragile. Grand Koudansa, le présomptueux va plus profond dans les labyrinthes de la pensée et des actes. Le héros despotique n'a pour rivaux que les astres et les esprits dangereux, contre lesquels les ruses politiques sont sans effet. Il ne trouvera sa propre humanité qu'en passant par l'anéantissement de ses richesses. Nos contemporains saxa portent encore en eux une allégresse blessée, celle que leur ont donnée les pères de leurs pères qui, au XVIe siècle, ont dûquitter les terres du Sud (c'est-à-dire l'Asie centrale). Ce regret ne pouvait que devenir chant.