Ce livre n'est pas un recueil de témoignages, encore moins une étude historique sur les camps. Parti d'un constat que l'indicible de l'expérience concentrationnaire a suscité une grande littérature, il aborde celle-ci par la médiation d'œuvres littéraires, notamment celles de Varlam Chalamov, Alexandre Soljenitsyne, Primo Levi, Robert Antelme, Imre Kertész, Tadeusz Borowski, et s'interroge sur les procédés que l'art du XXe siècle a élaborés, en Europe, pour saisir les manifestations extrêmes des États totalitaires communistes et nazis. Au-delà d'une réflexion politique, la littérature des camps révèle une tentative de penser cet état de conscience très particulier où l'homme, absent à lui-même, accède pourtant aux fondements de la vie. Trace matérielle de situations limites, les textes analysés permettent d'envisager une ontologie de l'univers concentrationnaire, mais aussi d'aborder la modernité à travers l'un des grands thèmes qu'elle affectionne, le refus de la représentation et, partant, à travers la question du vide, du néant. Ce dernier, paradoxalement garant d'un noyau irréductible de l'être, s'enracine dans le collectif, rappelant les grands textes mythiques du passé.