Une bibliothèque est un lieu où l'architecte rencontre son commanditaire. C'est une utopie qui nourrit l'imagination. C'est un endroit où le projet naît en toute liberté, où il évolue et se précise. On y trouve des livres " de métier " : l'architecture n'est pas un art d'imitation mais de conceptualisation ; elle a donc besoin de manuels, de livres de modèles, de traités illustrés ; qui transmettent des images et qui expliquent leur signification. On y trouve aussi des ouvrages de sciences et de techniques diverses et variées. On y trouve, enfin, des grands classiques anciens et modernes, de la philosophie, de la littérature, de l'histoire, du droit. Tout cela est indispensable pour un architecte qui veut être à la hauteur : son projet n'est jamais " simplement " architectural, il détermine pour des décennies, voire des siècles à venir, la façon de vivre au quotidien, d'entretenir des relations sociales, d'exercer un rituel religieux, de représenter le pouvoir. Chaque projet donne lieu à des discussions : pour parler d'égal à égal au commanditaire - un particulier, un prince, une ville, une communauté - pour le convaincre, pour le séduire, l'architecte doit être un orateur et en avoir la culture. En décrivant la somme de savoirs que doit posséder l'architecte idéal, Vitruve la calque sur celle de Cicéron. Depuis que les humanistes redécouvrent Vitruve au xve siècle et jusqu'au moins le milieu du siècle passé cet idéal reste actif et actuel. De Rome à Londres, de Paris à Anvers, de Saint-Pétersbourg à New York, les livres d'architecture, des bibliothèques entières, circulent, se multiplient, provocateurs, créateurs de cet espace de l'Occident - architecturé et architecturant - dans lequel nous nous reconnaissons, sans même nous en rendre compte. Issu des journées d'études qui ont eu lieu à l'INHA (Institut national d'histoire de l'art) en janvier 2005, ce recueil réunit les articles de dix-neuf chercheurs, pour la plupart historiens d'architecture, allemands, américains, anglais, belges, français, israélien, japonais, russes. En s'appuyant sur des documents d'archives et de bibliothèques, inédits ou oubliés, ils démontrent comment les sources et les méthodes de recherches proprement historiques appliquées à l'histoire de l'architecture peuvent alimenter, voire transformer, cette discipline.