Avec La Vache, c'est un monde d'images et de représentations inédit qui s'ouvre au lecteur francophone. Le roman traite pourtant d'une période historique connue, celle, tragique, de la collectivisation et de la dékoulakisation. Mais dans ce texte, écrit en 1930, Guennadi Gor la peint aux couleurs de l'utopie révolutionnaire. Ici, la collectivisation est présentée comme la victoire du Nouveau contre l'Ancien. Elle se fait dans une atmosphère joyeuse, dirigée par le camarade Molodtsev, un activiste venu de Leningrad, et portée par les enfants ainsi que par une paysanne illettrée, Katerina, capable à elle seule d'organiser l'élevage du kolkhoze. Si, en véritable " conte soviétique ", le roman reprend toute l'imagerie de la révolution, le jeu, habile sur les formes et les couleurs, empruntant tant à l'art pictural que cinématographique, en fait une œuvre d'une profonde originalité. Ce récit, Guennadi Gor refusa de le publier, par peur d'encourir les foudres du pouvoir. Longtemps oublié, l'auteur, aujourd'hui comparé à Andreï Platonov, retrouve sa place, au moment où la Russie redécouvre son histoire et sa littérature du XXe siècle.