Au début des Rencontres avec Léon Chestov, Benjamin Fondane évoque sa première entrevue avec le philosophe russe en 1924. Il venait d'arriver en France, avait écrit sur lui en Roumanie sans savoir s'il était toujours vivant. Fondane était poète, il n'était pas philosophe. Il l'est devenu pour défendre la cause de la poésie, toujours condamnée à se soumettre aux contraintes de la pensée rationnelle.
Il l'est devenu aussi par amitié pour Chestov et, surtout, parce qu'il percevait dans sa pensée un écho à ses propres tourments, à sa propre révolte. Fondane est alors l'un des rares à comprendre la démarche du vieux philosophe, son combat contre la raison. Au contact de Chestov, à la fin des années 1930, Fondane, le disciple inespéré, est devenu l'égal du maître et l'un des principaux représentants de la philosophie existentielle.