Lessia Ukraïnka (1871-1913) est avec Tarass Chevtchenko, le père de la littérature ukrainienne, à la source même du sentiment poétique et
national de tout un peuple qui s’est vu aujourd’hui projeté, bien malgré lui, au cœur de l’histoire européenne et mondiale. Par le pseudonyme choisi dès le début, elle affirmait que sa parole serait inséparable du combat pour la liberté et
l’indépendance de l’Ukraine, en dépit de la censure et de la surveillance policière exercée par le régime tsariste, ainsi que des longues errances en pays étrangers dues à la tuberculose osseuse qui la consumait. Et rien ne témoigne davantage du « pouvoir rédempteur de la poésie », auquel elle ne cessa de croire, que les milliers de gens qui, arrachés à leurs foyers, à leur pays par une force cynique et brutale, répètent inlassablement les dix vers écrits, il y a près d’un siècle et demi,
par une fillette ukrainienne de neuf ans.
Ce sont eux qui inaugurent la présente anthologie, dont le traducteur s’est attaché à donner une « équivalence fonctionnelle », tant sémantique et associative que prosodique, des poèmes de Lessia Ukraïnka composés dans une langue
particulièrement mélodieuse et comme rythmés par les sept cordes d’une kobza.