« Pendant ces mois [d'exil], j'ai réfléchi à ce qui pourrait nous donner de l'espoir, à moi et à ceux qui ont fui la guerre et qui espèrent la victoire. Un procès de Poutine et de son gouvernement était la plus grande attente. » S. Denisova
L'audience du Tribunal pénal international de La Haye a déjà commencé. Dix hauts dirigeants russes sont d'ores et déjà détenus dans une prison néerlandaise. Ils se demandent comment ils ont bien pu en arriver là et qui est à blâmer. Choïgou se remémore ses parties de pêche avec Poutine dans la taïga, Simonian oublie qu'elle a menacé d'atomiser la Pologne, Patrouchev soupçonne que les États-Unis les empoisonnent à petit feu avec des armes biologiques. Sourovikine dénonce le manque de saucisse à la cafétéria. Kovalchouk compte sur ses connexions politiques en Europe. Sourkov semble se résigner. Matvienko boit par ennui, Kadyrov s'inquiète pour ses épouses, ses limousines. Prigojine clame selon les circonstances qu'il est vivant ou qu'il est mort. Et poutine (qui a perdu sa majuscule) tente de contenir sa meute. Pendant les auditions, chacun finit par se trahir, se couper, balancer.
Qui sera condamné pour le bombardement de l'Ukraine, les massacres, la déportation d'enfants, la torture et la mort d'Ukrainiens ? Qui ?
Convoqués à ce procès, il y a d'autres accusés russes, un soldat, un pilote, un commandant qui seront confrontés aux atrocités commises pendant cette « invasion à grande échelle ». Sous les yeux de témoins ukrainiens qui ont perdu leur vie ou celle d'êtres chers...
La Haye est une pièce-procès d'anticipation, pièce d'après-guerre en Ukraine, documentée d’un côté par les sources officielles et de l’autre par l’histoire personnelle de la dramaturge. C’est aussi une tragi-comédie, grotesque et fantasmagorique, qui évolue dans l'espace judiciaire, proche cousin du théâtral : box avec accusés, personnel judiciaire, témoins, traducteurs et spectateurs.
Au-delà du geste militant, La Haye a valeur d'exemple de revanche salutaire que les artistes peuvent prendre sur les criminels, et incarne l'espoir de justice sans laquelle les profondes blessures ne guériront pas avant longtemps.