De Tarkovski aux Pussy Riot en passant par Boulgakov, Vassili Golovanov, ou encore Paul Virilio, ce livre, qui relate une descente du fleuve Ienisseï de Krasnoïarsk à son embouchure dans l’Arctique, dresse un état des lieux alarmant de la réalité sibérienne.
Les gigantesques incendies qui ravagèrent la région en 2012, le souvenir des camps du Goulag, la réalité des centaines de camps de travail qui y subsistent, les villages abandonnés le long du fleuve, les ethnies qui survivent à peine, la démographie du pays tout entier en chute libre, la pollution colossale due aux mines de nickel de la ville-usine de Norilsk, tout cela forme un arrière-plan préoccupant à ce récit qui se veut avant tout une apologie de la lenteur, de l’humain, et de la musique qui apaise les âmes, entre un déchirant chant d’amour dolgane et une berceuse evenk à l’intérieur d’un tipi, un concert champêtre dans la petite ville d’Ienisseïsk, et un autre au milieu du fleuve, destiné aux habitants d’un village qui se pressent en canot à moteur autour du bateau pour l’écouter en famille.
La deuxième partie du livre est une évocation de la Biélorussie d’aujourd’hui, pays méconnu et souvent caricaturé, tiraillé entre la nostalgie d’une identité que l’Histoire a rendue problématique et un désir de modernité contrarié aussi bien par un régime politique autoritaire que par la présence, toujours encombrante, du « grand frère » russe.