À travers huit nouvelles contemporaines ce recueil propose un parcours dans une littérature qui nous est souvent mal connue.
De toutes ces nouvelles, il n'en est qu'une d'où la nature soit absente ; partout ailleurs elle tient le rôle d'un personnage à part entière, voire du personnage central. Le jaillissement du printemps, symbole de la vie, est le terme que veut atteindre dans L'ultime requête (Vampilov) un vieillard octogénaire dont les jours sont comptés ; la taïga dans Une histoire d'orpailleur (Machkine) est plus que le cadre anecdotique d'un parcours initiatique ; elle apparaît, dans son opposition aux séductions urbaines comme la matrice ambiguë de cet alliage indestructible de richesse et de misère, de grandeur et de petitesse brutale que l'auteur sait rendre avec une acyuité et une vivacité qui relèvent de la description d'objet. Le Baïkal de Rêve ou réalité (Baïborodine) révèle l'homme à lui-même, minuscule et pitoyable sur l'étendue glacée, mais en ressortant transfiguré et apaisé. Alexandre Semionov (un des jeunes auteurs russes sur lequel il faut parier) s'attache à montrer la simplicité humaine dans un rapport à la nature relevant tout autant du combat que de la vénération qui transparaît à chaque page dans les descriptions minutieuses d'une nature vivante et comme habitée. Tout comme Valentin Raspoutine, dont il est très proche, Semionov souligne la place fondamentale de la nature dans la reconquête de l'homme russe par lui-même, de sa dignité et de son apaisement. Chez Raspoutine, la nature et le monde savent transcender le réel et s'affirmer dans ce dépassement comme le sens ultime de ce qui est et de ce que nous sommes dans la relation à ce qui est, cela donné dans une manière d'illumination conduisant à l'épanouissement.
Les convergences thématiques de ces œuvres n'interdisent pas une diversité d'écritures et de préoccupations apte à donner de ce qui s'écrit aujourd'hui en Sibérie une image suffisamment représentative. Si les deux nouvelles de Vampilov s'inscrivent dans la grande tradition russe du portrait, les textes de Raspoutine savent allier à un certain classicisme narratif une liberté d'inspiration qui leur confère un caractère indéniable de modernité. Semionov procède par touches, règlant le mouvement de ses personnages, physique et psychologique, sur celui plus ample du paysage au sein duquel ils évoluent. Balkov jouent sur la confusion des temporalités, tandis que Baïborodine et Machkine préfèrent la linéarité d'un récit fortement marqué de réalisme, d'où sont quasiment absentes les considérations purement psychologiques. L'ensemble, sans aucun doute, ouvre à de très vastes horizons...