Issu d'une famille d'émigrés russes contraints de se réfugier en Occident après la révolution de 1917, Serge Schmemann a gardé la Russie dans le sang. En 1980, il part pour l'URSS en qualité de journaliste et découvre au cœur de l'ancienne Russie le domaine de ses ancêtres, acheté sur un coup de tête par son aïeul Mikhaïl Ossorguine. Après la vie dorée de l'aristocratie russe au XIXe siècle, le village de Serguievskoïé (devenu aujourd'hui Koltsovo) apparaît sous le jour plus douloureux de la terreur stalinienne vécue à la base par plusieurs générations de paysans qui se souviennent au fil des rencontres avec l'auteur. Récits oraux, photos, entretiens, documents, carnets, mémoires sont exploités de manière éminemment personnelle pour faire revivre la paysannerie de province. Comme des poupées russes que l'on emboîte, l'auteur entrelace son histoire individuelle de journaliste en quête de témoignages, son histoire familiale, à la manière d'un album de famille riche de deux siècles de vie, et la grande Histoire - celle, tragique ou rocambolesque, de la Russie tsariste et révolutionnaire, celle aussi de Staline puis de Brejnev, Gorbatchev et Eltsine. Le récit qu'il nous livre aujourd'hui, avec une élégance des plus modeste, est celui d'un retour aux sources, émouvant et brutal, comme peut l'être un retour sur les lieux d'un paradis perdu après un traumatisme.