Les 36, un des derniers grands poèmes (ou chants) d'Essénine, s’inscrit pleinement dans ce genre du «drame lyrique», du récitatif narratif, cher à l'auteur; il y a là de la geste et du chant, de la scansion, du martèlement, de la pulsion, du bruit même, tout cela, cette matière sonore, constituant de toute évidence la préoccupation première de l’auteur, sans quoi rien de vif ne se pourrait dire. C’est à l’oreille qu’il faut traduire pareille gesticulation (qu’on ne s’y trompe, rien n’est là chaotique) des mots. C’est ce pari, ce jeu peut-être, d’une danse verbale ébouriffante qu’accepte Guy Imart, emboitant le pas à Essénine, tentant de faire renaître dans le français cette respiration de derviche, ce halètement signifiant. Car ce poème est plus qu’un poème; il tient du ballet, il tient de la prière, il tient de la rengaine; et ce dans un entrelacs de modernité et de tradition qui lui confère toute sa force, comme c’est le cas parfois chez un Stravinsky ou un Chostakovitch.